Information générale
La découverte
Août 1908, il y a un peu plus de 100 ans. Trois frères dont 2 sont abbés, Amédée, Jean et le jeune Paul fouillent les petites cavités qui longent les chemins de leur région pour répondre à leur passion commune : l'archéologie. Sans grande prétention, ils cherchent donc parmi les cailloux, dans l'espoir d'y trouver quelques outils taillés par les mains de nos ancêtres. La surprise sera de mise lorsque leur pioche fendra le crâne du premier homme de Neandertal découvert dans sa totalité. Avant, seules des parties d'ossements avaient permis d'acquérir quelques connaissances sur cet homme que nous tenions pour un singe inférieur, bien éloigné de l'homo sapiens, notre descendant direct. La découverte des frères Bouyssonie va déranger cette conception erronée et rétablir la vérité : capable d'inhumer ses morts, l'homme de Neandertal, curieusement disparu vers - 30 000 ans, était bien plus proche de nous que nous ne le pensions. Une vraie révolution dans la science archéologique.
La grande découverte est celle d'un squelette très bien préservé d'un homme de Neandertal, et ce qui surprend le plus est la position qu'il adopte et qui met en évidence la nature funéraire de l'enfouissement : il s'agit bel et bien d'une sépulture. On est alors forcé d'admettre que l'homme de Neandertal, même avec son crâne allongé et ses arcades sourcilières proéminentes, est bien plus un cousin qu'un ancêtre de l'homme moderne. Présomption qui sera avérée par le fait que l'on sait désormais que l'on possède 1 à 4% d'ADN en commun avec lui. À partir des années 80, Neandertal est enfin réhabilité et n'est plus dévalué en étant pris pour le « chainon manquant » entre le singe et l'homme. Il mérite bien son nom d'homo et est à situer sur une branche parallèle à celle de l'homo sapiens et non comme son prédécesseur, forcément moins évolué.
C'est dans la bouffia Bonneval, du nom du propriétaire des terres sur lesquelles les abbés ont fait la découverte, que l'homme en position fœtale a été extirpé de son long silence, dévoilant alors aux hommes la véritable nature de sa lignée. Le « trou de renard » (traduction de bouffia) se situe à 1 km du musée qui est dédié à la découverte. On ne peut hélas l'explorer que lors de très rares occasions, comme au moment des journées du patrimoine par exemple. Mais, pour palier à cet accès limité, on a reconstitué à l'identique la sépulture de celui que l'on appelle désormais « l'homme de la Chapelle-aux-Saints ».
Le musée de l'homme de Neandertal
Toutes les visites sont guidées et permettent de comprendre au mieux la découverte de l'homme de la Chapelle-aux-Saints et ses incidences. Un parcours aménagé en trois salles emporte alors le visiteur au seuil de la préhistoire.
- La salle vidéo :* Avant de rentrer dans le vif du sujet et afin de rassembler les participants, une salle permet le visionnage d'un film d'une vingtaine de minutes, collectant les propos de 6 personnalités expertes en archéologie. On verra donc à l'écran Yves Coppens et Jean-Louis Heim, célèbre professeur au MNHN (Museum National d’Histoire Naturelle), nous présenter les fouilles et nous en dire un peu plus sur celui que presque tout le monde considère à tort comme un singe plus que comme un homme.
- La salle 1 : Après la vidéo, le programme se prolonge par l'exploration de la première salle du musée qui est plus un vestibule préparant l'entrée dans le cœur du lieu : la dernière salle dans laquelle est reconstituée la sépulture. Ce vestibule évoque, grâce à des panneaux illustrés, les contextes scientifique, historique et philosophique de l'époque de la découverte. Des coupures de presse permettent de réaliser l'ampleur de l'exhumation et un long affichage rend compte de la généalogie des civilisations humaines.
- La salle principale (salle Jean-Louis Heim) :* La salle la plus importante du musée débouche directement sur une cavité qui se révèle rapidement être une sépulture au regard de ce que l’on y trouve : le miroir qui surplombe le trou nous certifie qu'un squelette recroquevillé sur lui-même tel un fœtus loge sur une poussière grisâtre. La position de l’homme est exactement celle qu’il avait lors de sa découverte. Si l’on regarde plus précisément son crâne, on peut voir la fente qu’a occasionnée le fameux coup de pioche de l’un des frères Bouyssonie. Mais il ne faut pas se laisser abuser par la précision des détails. Il ne s'agit que d'une fidèle reconstitution, l'original étant préservé dans un coffre fermement verrouillé dans l’une des réserves du musée de l’Homme, à Paris.
Autour de la pseudo sépulture, des panneaux et des vitrines relatent l'évolution des conceptions au sujet de l'homme de Neandertal. On peut en effet concevoir combien l'estime qu’on lui porte a grandi depuis une trentaine d'années, en comparant deux versions différentes de crânes néandertaliens. La reconstitution de Boulle, datant du début du siècle et illustrant les idées d'alors caricature et accentue les traits simiesques, tandis que celle de Jean-Louis Heim rétablit l'objectivité et se dispense de déformer le front, le nez et les arcades sourcilières. Des panneaux comparent l'homme de Neandertal et l’homme moderne et expliquent la disparition du premier et l’expansion du second. D'autres décrivent le mode de vie, les outils et l'environnement des néandertaliens, toujours en s'appuyant sur de multiples textes, photos et croquis. Enfin, une longue vitrine renferme de véritables outils taillés par les mains mêmes d'hommes de Neandertal. Ces hommes étaient en effet des chasseurs avertis et savaient aiguiser le silex, le jaspe ou le quartz pour tirer profit des multiples rennes, bisons et chevaux qui parcouraient leurs prairies steppiques. Près de 200 objets manifestent cette dextérité d'un homme qui, il y a près de 30 000 ans s'est effacé au profit d’un autre homme.
La visite se termine avec convivialité avec un atelier qui tentera de faire de vous un homme préhistorique. Avec une corde et du bois, il faudra user de la friction pour que le feu se fasse. Les questions pourront alors être posées devant les flammes et la visite se clore sur un moment bien agréable.
Sophie Graffin
Publié le 26/07/11 Crédit photos : © Sophie Graffin