Informations Générales
Sous les pavés, le Marais !
Le Marais n’a pas toujours été cet endroit à la fois authentique et branché de Paris. Il doit bien son nom à une zone marécageuse située aux portes de la ville, de l’autre côté de la muraille édifiée par Philippe Auguste à la fin du XIIe siècle. Ce sont les moines templiers des grandes abbayes qui l’assèchent pour en faire une zone de cultures et de jardins et mettre en place les installations nécessaires à l’accueil des pèlerins. Il faut ensuite attendre Charles V au XIVe siècle pour que le Marais devienne le quartier royal (juste avant le Louvre), entre l’Hôtel Saint Pol (aujourd’hui le Village Saint Paul) et celui des Tournelles (la Place des Vosges), à l’intérieur de la nouvelle enceinte construite sous le monarque. Et c’est au XVIIe siècle que le quartier connaît son apogée. Il se pare alors de ses plus beaux hôtels particuliers, demeures des nouveaux riches de la finance bâties pour être bien visibles par la Cour qui se déplace vers l’Ouest. Mais ce déménagement royal entraîne le déclin du Marais qui voit ses belles constructions remplacées par des ateliers et sa noble gente par une population beaucoup plus laborieuse. Abandonné, le Marais n’est pas touché par les grands projets d’urbanisme du baron Haussmann. Dans les années 1960, il est même menacé de destruction avant d’être sauvé in extremis par André Malraux et sa loi sur la protection des centres-villes, amorçant ainsi la grande vague de réhabilitation qui se poursuit aujourd’hui.
Comment délimiter le Marais ? On pourrait tracer une zone allant de la Place du Châtelet à celle de la Bastille en longeant la Seine pour la partie Sud. A l’Est, il faudrait suivre le Boulevard Beaumarchais se prolongeant en Boulevard des Filles du Calvaire et Boulevard du Temple jusqu’à la Place de la République. Au Nord, le tracé se poursuivrait le long du Boulevard Saint Martin avant de redescendre à l’Ouest le long du Boulevard de Sébastopol. Mais en définitive, il n’y a pas de limites officielles et chacun redessine les contours du Marais selon ses envies, ses repères et ses points d’ancrage personnels.
La mémoire dans la pierre
Partout où l’on pose les yeux dans le Marais, les faits marquants du passé se rappellent à nous. Les pierres de ses édifices dégagent une solennité et un prestige qui assoient son importance dans l’histoire de la capitale à mesure que l’on parcourt ses rues et ses passages. Flâner de part et d’autre de la rue Rivoli à la recherche des hôtels particuliers et des vestiges médiévaux est un bon moyen de se faire une idée de ce foisonnement culturel : quelques pierres datant des XVIe et XVIIe siècles, de très vieilles enseignes encore incrustées dans les murs (notamment celle d’un rémouleur à l’angle des rues de Fourcy et de Jouy), des restes de la muraille de Philippe Auguste dans les Jardins de Saint Paul (la portion la plus importante encore debout), un ancien quartier royal devenu le dernier lieu à la mode avec ses brocanteurs, ses boutiques de design et ses cafés (au Village Saint Paul, rue Saint Paul)…
Après la Révolution, les nobles fuyant essentiellement en Angleterre, les hôtels particuliers (lorsqu’ils ne sont pas détruits) sont confisqués et utilisés comme bâtiments administratifs ou de service publique. Au sud, près de la Seine, les Hôtels de Beauvais et d’Aumont, qui abritent aujourd’hui rue François-Miron et rue de Jouy les antennes du tribunal administratif de Paris, révèlent les canons d’architecture du XVIIe siècle : c’est la mode « entre cour et jardin » qui est suivie, avec une entrée donnant sur une cour géométrique et symétrique desservant les communs de part et d’autre et le corps principal destiné aux maîtres donnant sur le jardin à l’arrière. Les façades portent les armes des propriétaires mais aussi des médaillons et des statues allégoriques représentant les éléments et les saisons. Si l’Hôtel de Beauvais détourne ces critères en brouillant les perspectives car sa propriétaire n’avait pas les fonds nécessaires, au Nord, l’Hôtel Lamoignon obéit à ces règles. Ancienne demeure de Diane de France, il abrite aujourd’hui rue Pavée la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Il est reconnaissable à ses deux anges au-dessus du porche tenant un miroir et un serpent, symboles de Vérité et de Prudence, deux qualités essentielles pour des magistrats tels que les Lamoignon, les derniers propriétaires avant la Mairie. Le Musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris, a lui aussi élu domicile dans deux hôtels rue de Sévigné : l’Hôtel Carnavalet (du XVIe siècle), avec dans sa cour la statue de Louis XVI par Coysevox (la seule qui n’ait pas été fondue après la Révolution), et celui de Le Peletier de Saint-Fargeau (du XVIIe siècle), ce noble qui s’est fait assassiné après avoir retourné sa veste et voté la mort du roi. Ironie de l’histoire, son hôtel accueille aujourd’hui la partie du musée dédiée à la Révolution !
Le Marais porte aussi les traces d’une vie spirituelle intense. De l’Eglise Saint Paul il ne reste qu’un pan de mur. C’est l’Eglise Saint Louis-Saint Paul (appelée église Saint Paul) qui domine le quartier de sa coupole (la première de Paris). On y accède par le très pittoresque et très caché Passage Saint Paul, perpendiculaire à la rue du même nom. De style baroque fortement inspiré de l’art italien, son architecture chargée d’ornements et de trompe-l’œil a servi d’écrin aux cœurs royaux de Louis XIII et Louis XIV avant que la Révolution ne vienne les déloger. On y trouve également une toile de Delacroix, Le Christ au Jardin des Oliviers, ainsi que d’immenses bénitiers bordés de dorures, cadeaux de Victor Hugo pour le baptême de sa fille. L’aristocratie du XVIIe siècle s’y pressait le dimanche (y compris la Comtesse de Sévigné, une autre illustre voisine) pour assister aux prêches interminables de Louis Bourdaloue. En poursuivant ce voyage à travers les époques, on peut même voir les traces d’un tag communard: « la République française ou la mort ».
Rue du Figuier, l’Hôtel de Sens, du nom de l’Archevêque, est un imposant petit château Renaissance à la pierre claire, au jardin et aux tourelles caractéristiques. Au XVIIe siècle, Henri IV y fait installer Marguerite de Valois, la notoire Reine Margot. L’endroit devient alors bien plus scandaleux que spirituel puisqu’il sert de boudoir pour une consommation excessive de jeunes nobles, ceux-ci finissant immanquablement par s’entretuer en duels. Autre marque de l’histoire, au sens physique du terme cette fois, un boulet de canon est resté figé dans la façade de l’édifice et la date du 28 juillet 1830 l’accompagne depuis la Commune.
Enfin, point d’orgue d’un panorama historique du quartier, l’impressionnante Place des Vosges déploie ses charmes entre les rues Saint-Antoine, des Tournelles, de Turenne et Saint-Gilles. Autrefois Place Royale sous Henri IV (la première de Paris, construite à l’emplacement de l’Hôtel des Tournelles après la mort d’Henri II), c’est Napoléon qui la nomme ainsi pour remercier les Vosgiens, les premiers payeurs de son nouvel impôt militaire. Cette place carrée charme par ses édifices de pierre blanche et de briques rouges, son jardin central (Henri IV étant mort avant la fin de la construction, c’est une statue de Louis XIII qui y trône), et ses arcades qui hébergent aujourd’hui des cafés, des commerces de luxe et des galeries d’art. On y trouve également la Maison-Musée de Victor Hugo au n°6, et le magnifique Hôtel de Sully (dont les jardins sont accessibles par le n°7), l’exemple parfait du style « entre cour et jardin » avec ses motifs de décoration et la symétrie de ses bâtiments.