Informations Générales
Rodin : Un art à l’état brut
Absent des bancs des Beaux Arts, Auguste Rodin modèle son art à son image sans la marque conventionnelle qui étouffait le monde de l'Art du XIXème siècle. Son ouvre souvent révoquée, à l'époque rejette tous les canons académiques et s'impose, aujourd'hui, comme une révolution esthétique. Plusieurs de ses sculptures ont le corps « mutilé », une atteinte au corps qui glace les hauts représentants artistiques dans les salons car seul le temps avait le droit légitime d'amputer les oeuvres d'Art. Pourtant, l'artiste casse les codes conformistes et amorce la modernité en sculpture pour que le regard se pose sur un concept, et non sur une image.
Boulimique de travail, en quête perpétuelle d'effets, Rodin s'inspire de l'Antiquité, ou encore de la Renaissance pour parler un langage esthétique compréhensible par tous. Ce modernisme laisse, pourtant, sur sa carrière des taches de scandale, le premier étant celui de L'Age d'airain. Lors de son exposition en 1877, son ouvre interloque les critiques qui la considèrent comme moulée sur nature tant son réalisme est frappant. Un coup dur pour l'artiste qui doit retourner dans l'ombre de l'anonymat.
Quelques années plus tard, la Société des gens de lettres commande au sculpteur un monument en hommage à l'écrivain Balzac mort en 1850 qui donne lieu au « scandale de Balzac ». Après cinq ans de recherche, Rodin expose un Balzac sobre, sans apothéose, ni muse à ses côtés. Mais comment représenter le génie ? L'artiste s'attache même à reproduire l'habit de travail de l'écrivain pour appuyer sur la puissance créatrice de l'auteur. Une vague d'indignation suit cette exposition.
Rodin illustre la liberté de l'artiste en bafouant toutes les convenances artistiques de l'époque en s'efforçant de regarder la nature comme elle est, et non pas à travers des références.
Les œuvres et le musée
Le somptueux Baiser ou encore Le Penseur, icônes mondialement reconnues, se prélassent, évidemment, dans ce pavillon dédié à la gloire de leur père. Pourtant, la visite de ces chefs d'oeuvre ne doit pas occulter La Porte de l'Enfer, l'ouvre de toute une vie s'inspirant de la Divine Comédie de Dante Alighieri. Fidèle à son art, Rodin s'inspire de l'Enfer, la plus sombre partie de la Divine Comédie et y cristallise l'essence de son travail. Les ouvres présentes dans le musée racontent la genèse des personnages présents sur cette porte majestueuse qui s'impose comme une sorte de testament artistique.
Chaque protagoniste créé par Rodin a sa vie propre et ne cesse de revivre à travers les assemblages de l'artiste. On retrouve, par exemple, la main du Bourgeois de Calais accrochée au portrait de Camille Claudel. Mais encore, l'artiste joue sur les disproportions pour retranscrire les émotions ressenties. A ce titre de nombreuses variations existent pour un seul sujet comme le portrait de Mme Fenaille dont le résultat reste très flou avec un goût d'inachevé. Et c'est un choix esthétique de l'artiste qui aime travailler son sujet.
Le havre de paix
L'oeuvre d'Auguste Rodin se dresse non seulement dans le somptueux hôtel Biron, mais aussi sur le parc de 3 hectares qui exalte le musée. Sur un magnifique tapis vert orné d'une roseraie flamboyante, certaines créations de Rodin posent sous vos yeux, notamment l'illustre Penseur qui ne cesse d'émouvoir et d'intriguer. Le jardin est d'ailleurs le seul endroit dans Paris où des sculptures sont exposées à l'extérieur d'un musée.
Ce havre de paix incite à la rêverie romantique, pousse aux aveux amoureux et apaise le coeur des plus tourmentés. S'impose alors une balade dans ce paradis verdoyant en longeant les genêts et les lilas à l'ombre des somptueux tilleuls. A la fin de la promenade, de longs transats attendent sagement ceux qui désirent se poser un instant pour écouter le murmure de l'âme qui domine celui des voix.
Julie Verdier
Crédit photos : © musée Rodin/ Jean de Calan, © musée Rodin/Jérôme Manoukian