Place au cirque
Confortablement installé sur des sièges en velours rouge disposés sur plusieurs niveaux autour de la piste circulaire, impatient que le spectacle commence, on anticipe déjà le show à venir. On entend les rugissements des fauves menaçants, on les imagine tournant dans leur cage de fer face à nous, on devine les acrobaties et les prouesses de voltige à la vue des échelles et des cordes suspendues au plafond. On sait que le menu est de taille et tout du décor nous le rappelle. Le bruit des enfants remuants emplit la pièce et les lumières des bâtons lumineux qu’ils agitent brillent dans la pénombre de la salle.Et, un premier coup de tambour retentit. Le spectacle commence. Sous les feux des projecteurs, l’orchestre de 12 musiciens fanfaronne un air triomphant du haut de sa scène qui domine la piste. Les clowns en profitent pour débarquer dans les allées du public pour l’accompagner tout au long du spectacle. La troupe des Salto Dancers, aux tenues légères rythme les numéros à travers de joyeux interludes chorégraphiés. Sergio, le Monsieur Loyal s’impose comme emblème du show dès son entrée, un personnage clé du mélange magique. Il reflète à lui seul toute l’expérience de cette troupe qu’il rencontrait pour la première fois en 1965. Avec enthousiasme, Il annonce ces trois petits mots : « place au cirque ».
Dès lors, les numéros s’enchaînent pendant plus de 2h45 de show qui vous transporte du rire au frisson, en passant par toutes les nuances d’émerveillement. L’histoire du Cirque d’Hiver qui, fut un temps, était spécialisé dans l’art équestre se reconnaît dans le choix des numéros et notamment du trapèze. C’est sur cette même piste que la discipline populaire fut inventée par un dénommé Léotard il y a 150 ans. Cet anniversaire est donc l’occasion rêvée pour le cirque de renouer avec cette tradition qui depuis son invention n’a cessé d’évoluer pour devenir plus périlleuse et plus divertissante. Il faut noter que lorsqu’il fut inventé, le trapèze volant ne volait pas bien haut puisqu’il ne balançait qu’à six mètres au dessus des pistes, un exploit pour l’époque qui fut rapidement dépassé.
Mai si les pirouettes au trapèze impressionnent et font frémir, que dire des équilibristes du Trio Aphelion et des sœurs Azzario qui enchaînent les poses à couper le souffle, formant de petites pyramides humaines soutenues par leurs seuls poids. Plein d’élégance, le duo russe Elena & Elena entament un ballet aérien où leurs deux corps se mêlent en apesanteur retenue par un pied ou une main à la corde de tissu. Marina Bouglione remet au goût du jour la corde lisse qui à l’origine servait principalement à combler les moments d’attente pendant le spectacle. Son ascension de la corde se fait tout en douceur et en jeu avec des touches glamour ici et là dans le costume, les attitudes et la musique chaude des cuivres. Puis, Twerling, discipline où la rapidité et le bluffe se mixent dans une chorégraphie endiablée, Nathalie Enterline s’y donne à cœur joie.
Les animaux sont au rendez-vous également avec une panoplie de bestioles attachantes ou effrayantes. Des cinq fauves dressés par Tom Dieck, trois lions se pavanent et répondent sans broncher aux appels de leur dompteur qui titille les gros chats pour obtenir d’eux un rugissement sonore. Les plus petits représentants de la famille Bouglione, Dimitri et Valentino, 6 et 10 ans, s’amusent avec des canards, des chèvres, ou des toutous minuscules, selon l’humeur. La princesse du cirque telle qu’on la surnomme, Regina Bouglione exhibe une espèce étrange : les lamas qui étonnent la foule par leur docilité. Une petite pincée de rêve assaisonne le spectacle avec l’arrivée de chevaux blanc qui s’ébrouent sous la fumée épaisse bleutée par des spots de lumière au sol.
Puis place au rire avec les clowns Martinis et Mitchel’s qui sont aussi de talentueux musiciens et qui tour-à-tour s’envoient des bassines d’eau à la figure, se cassent des œufs sur la tête, massacrent un air à la trompette et exécutent d’hilarantes cascades. Le clown blanc d’Alberto Caroli se prête aux jeux et donne un petit air théâtrale aux amusements grotesques.
Finalement, les transformistes / illusionnistes venus d’Israël vous bluffent par la vélocité avec laquelle ils changent de tenue, rapide comme l’éclair, la femme du duo des Matadors revêt une robe tantôt rouge, tantôt violette, tantôt blanche, le tout sur des airs de flamenco endiablés.
Et peut-être le plus impressionnant de tous, le génial Tony Frébourg qui manie avec style et aisance jusqu’à quatre diabolos en même temps, envoyant et rattrapant dans leur chute effrénée ces petites toupies tourbillonnantes.
Crédit photos : © Cirque d’Hiver Bouglione