Chavirez dans « les égarements » de Marie-Antoinette
Perpétuellement décriée, la dernière reine de France, Marie-Antoinette, demeure l’un des personnages les plus célèbres de la cour versaillaise au XVIIIème siècle. Dauphine portée au pinacle, reine dépréciée comme volage et dépensière, « l’Autrichienne », s’échappe très vite du style fastueux de Versailles pour renouer avec son mode de vie à Vienne. Et retrouver ses premiers amours grâce à son domaine pour se délecter dans la poésie champêtre avec ses dames de compagnies.
Marie Antoinette a marqué son époque, et la nôtre avec son domaine pastoral qui brandit le goût de l’élégance et de la sobriété, et qui prône un art de vivre véhiculé par les penseurs des Lumières, souvent convives de la reine.
Le petit Trianon
Louis XV s’est très vite amouraché du Grand Trianon où dans les années 1750, il affectionnait les promenades avec madame de Pompadour dans la nouvelle Ménagerie, dans les serres de Bernard Jussieu et dans le jardin botanique. En 1763, il commande un nouveau château, le petit Trianon, poussé par son inoubliable compagne, madame de Pompadour. Chef d’œuvre d’Anges-jaques Gabriel, le petit Trianon témoigne d’une apologie pour l’architecture « grecque » où se mélangent simplicité, esthétisme, et perfection. Son décor de boiseries d’un raffinement exquis casse le moule du style pierraille.
Dés son accession au trône, Marie-Antoinette s’empare des lieux et libère son penchant pour la simplicité et l’authentique. Le boudoir est enrichit d’un savant mécanisme de glaces mouvantes, un nouveau mobilier illustrant des champs de fleurs et les moissons pontifie les allées du château en accord avec l’âme champêtre de la souveraine. Le Trianon de la Reine devient alors le théâtre de réceptions grandioses et d’illuminations nocturnes où le souvenir des premières années de fêtes à Versailles plane dans cette atmosphère poétique.
Marie-Antoinette poursuit la métamorphose du domaine en créant son jardin anglais doté d’un jeu de bague chinois, le pavillon du Rocher, le célèbre théâtre, le temple de l’Amour composé de douze colonnes corinthiennes chapeauté par un majestueux dôme. Et enfin, le mémorable hameau de la reine.
Le hameau de la reine
Ce petit coin de paradis illustre merveilleusement le mythe pastoral né au début du XVIIème siècle sous la plume d’Honoré d’Urfé avec l’Astrée. Cette allégorie se veut une harmonieuse fiction évoquant dans un cadre bucolique de belles bergères et beaux bergers. Non pas des pauvres mais des gens de « qualité » ayant choisi de vivre plus doucement et sans contrainte, c’est-à-dire s’adonner dans le lent écoulement du loisir à tous les raffinements du cœur et de l’esprit. C’est une autre version du mythe de l’âge d’or et de paix dans une nature idyllique où des bergers philosophes détenaient les clés de la sagesse. Publié sur 20 ans (1607-1627), le roman d’Urfé connaît un succès phénoménal et va même inspirer des jeux de rôles à la cour. Même si Marie-Antoinette vit dans la seconde partie du XVIIIème siècle, son hameau, construit en 1783, est autant inspiré de cette mode que de son désir de vivre loin de la cour pour échapper à ses contraintes et aux critiques. Ainsi, de 1783 à 1785, le célèbre architecte Richard Mique façonne le Hameau, en empruntant les traits des dessins du peintre Hubert Robert. De nombreuses chaumières enjolivées de jardins potagers et fleuristes brodent la silhouette du Grand Lac. Non loin de là, se cache la Ferme avec un formidable cheptel qui fait fureur à l’époque. La reine recueille son propre lait qu’on lui sert dans des porcelaines de Paris dans la Laiterie de propreté située au pied de la Tour de Marlborough, aussi appelée la tour de la Pêcherie.
La maîtresse des lieux possédait sa propre maison coiffée de tuiles. Décorée somptueusement par Georges Jacob et Jean-Henri Riesner, sa demeure communiquait avec le Billard via une galerie de bois. Des pots de fleurs en faïence de Saint-Clément au chiffre de la reine trônaient sur les escaliers, la Grange jouait le rôle de salle de bal, le Moulin avec sa roue à eau, la Maison du Garde, ou encore le Colombier paraient ce village royal. Les invités de la reine goûtaient à toutes les commodités qui étaient dues à leur rang. Bien plus qu’un hameau de villégiature, il était une véritable exploitation agricole dont les produits alimentaient les cuisines de Versailles.
Julie Verdier
Publié le 10/08/2009
Crédit photo : © jm Manaï